Les langues pyrénéennes
La mosaïque des langues et parlers pyrénéens traduit la richesse de l’identité pyrénéenne.
En effet, qu’est-ce qui caractérise le mieux une région, une vallée, si ce n’est le parler de ses habitants ?
Des dialectes différents
Dès le 19e siècle, scientifiques, linguistes et ethnographes s’intéressent à ce thème et livrent le résultat de leurs recherches.
La carte linguistique des Pyrénées que donne Achille Luchaire dans Études sur les idiomes pyrénéens (1859) est à cet égard très instructive ; trois grands groupes linguistiques distincts se partagent l’espace pyrénéen : le basque domine à l’ouest, l’occitan gascon et languedocien au centre et le catalan à l’est.
On peut bien sûr affiner le propos en subdivisant géographiquement et linguistiquement ces grandes catégories :
Basque : Pays basque français (Labourd, Basse Navarre, Soule) et espagnol (Navarra, Guipûzcoa)
Gascon (dialecte de l’occitan) : Couserans, Comminges, vallées d’Aure et du Louron, Bigorre, Béarn
Languedocien (dialecte de l’occitan) : Haute vallée de l’Aude, Donezan, Pays d’Olmes, Haute vallée de l’Ariège et Pays de Foix
Catalan (langue romane, dialecte selon certains de la langue occitane) : Catalogne nord et sud, Val d’Aran (avec l’Aranais). Andorre (avec le français et l’espagnol)
Aranais (dialecte de l’occitan) : Val d’Aran
Aragonais (langue romane) : Aragon
L’enquête Sacaze
Fondateur de la Société des Etudes du Comminges et de la Revue des Pyrénées, Julien Sacaze (1847-1889) est l’auteur du Recueil de linguistique et de toponymie des Pyrénées, œuvre imposante et inestimable pour l’étude des parlers et de la toponymie du Midi pyrénéen.
Dans le cadre de l’Exposition nationale de 1887 à Toulouse, Julien Sacaze – alors correspondant du Ministère de l’Instruction publique – lance son enquête sur les parlers vernaculaires des Pyrénées. Une section spéciale pyrénéenne est créée dans le cadre de la géographie historique.
Il procède en demandant aux instituteurs des départements de la région pyrénéenne de lui fournir les renseignements suivants :
- la traduction dans l’idiome local de deux textes de légendes (« La légende de Barbazan » et » La légende de Tantugou ») ;
- la liste de tous les noms de lieux de la commune : hameaux, sources, lacs, vallées, etc, dans le parler local et en français ;
- et, enfin, une carte de la commune.
L’enquête couvre huit départements de la région : Ariège, Aude, Haute-Garonne, Gers, Landes, Basses-Pyrénes, Hautes-Pyrénées, Pyrénées orientales.
Au final, le résultat totalise 35 volumes qui sont déposés et conservés à la Bibliothèque municipale de Toulouse le 3 novembre 1887 sous la cote Ms 1119.
Julien Sacaze publie l’année suivante des extraits de son enquête dans la « Revue des Pyrénées« .
Il déclare que son enquête peut servir pour de futures études aux linguistes, ethnographes, géographes, etc. Il pose ainsi un regard d’archéologue sur les parlers locaux, pensant que ceux-ci sont voués à disparaître, puisque nivelés par le français. Aujourd’hui, l’enquête Sacaze reste une mise en valeur patrimoniale des langues pyrénéennes.
Et aujourd’hui ?
En Espagne, le basque et le catalan sont les langues officielles des autonomies politiques. L’aragonais s’est progressivement éteint suite à la guerre civile espagnole. Il est désormais parlé simplement dans quelques vallées pyrénéennes.
En France, les dialectes locaux sont aujourd’hui peu parlés dans les Pyrénées en raison de l’usage systématique du français au sein des écoles républicaines au 20e siècle. Désormais, l’Etat tente de réhabiliter les langues régionales par leur protection et leur promotion. Dans le cadre de l’enseignement général, un apprentissage immersif en langue régionale peut être proposé dans les écoles. L’article 75-1 de la Constitution de 1958 issu de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 précise que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ».