Otto Rahn et le Graal
Les fêtes approchent à grands pas, et avec elles les dîners de famille interminables. L’équipe Rosalis propose aujourd’hui un sujet sulfureux pour animer la table des convives, un sujet ô combien périlleux, mélangeant nazis, ésotérisme et régionalisme: Otto Rahn et le Graal.
Mars 1932 : un archéologue allemand entreprend de fouiller les grottes et les ruines d’Ariège. Sa fascination pour le catharisme et sa rencontre avec Maurice Magre, auteur de « Le sang de Toulouse » et « L’or des albigeois » et ardent défenseur de l’Occitanie, ont mené Otto Rahn jusqu’ici. Sa théorie est simple: le château de Montségur serait en réalité le chateau de Monsalvat, site mythique apparaissant (entre autre) dans le Parsifal de Richard Wagner et contenant le Graal. Rentré en Allemagne, il publie l’année suivante « la croisade contre le Graal » qui fait état de ses avancées et de ses idées.
Dans son livre, Otto Rahn s’appuie sur le fait historiquement avéré d’une parenté entre poésie courtoise, née en Occitanie avec l’art des troubadours, et le Minnesang, poésie lyrique allemande, pour alléguer qu’il y aurait une souche identique aux peuples germains et celtiques, c’est à dire allemands et Français : la souche indoeuropéenne…ou aryenne.
Le livre fait fort effet sur Heinrich Himmler : Le Reichfurher SS est obsédé par la recherche d’une tradition germanique originelle et perdue. Il engage Rahn dans l’Ahnenerbe, un institut de recherche dont le but est de prouver la validité des théories nazies sur la supériorité raciale des Aryens. Rahn y a pour mission d’écrire d’autres livres validant ces thèses.
En France, le livre de Rahn est unsuccès, en particulier dans le Midi. « La croisade contre le Graal » participe à l’engouement naissant pour les châteaux cathares et la culture occitane. Certains y voient la confirmation de théories anciennes, comme on peut le lire dans le Bulletin municipal de la ville de Toulouse, juin 1934. D’autres dénoncent un épouvantable fatras de « Kultur » sans queue ni tête, dans L’Express du Midi, 8 octobre 1935.
Otto Rahn ne revint pas en Ariège. Bien que protégé de Himmler, il ne survécut pas à son incapacité à produire un certificat d’origine raciale (sa mère était juive), une dénonciation pour homosexualité et des problèmes d’alcoolisme, trois caractéristiques honnies des SS. Il fut retrouvé mort dans un bois sur le mont Eiberg en mars 1939. Sa mort mystérieuse (il fut dit mort congelé sur un glacier, assassiné sur ordre d’Hitler ou ayant changé d’identité) et ses écrits le firent entrer de plain pied dans la légende du Graal.
La disparition de Rahn n’arrêta pas Himmler dans la recherche du Graal. En octobre 1940, l’abbaye espagnole de Montserrat reçut la visite du Reichfuhrer SS, qui demanda s’il existait des archives sur le Graal. Coquille journalistique ou mystère supplémentaire, l’article de l’Express relatant cette visite mentionne la présence d’Otto Rahn…un an après sa mort.
Assurément une telle histoire a tenu vos convives en haleine ; il reste à leur servir la conclusion en digestif. En 1989 sortit le film Indiana Jones et la dernière croisade. Il est question de nazis cherchant sans relâche le Graal. Les réalisateurs prétendirent ne pas s’être inspiré d’Otto Rahn, ni pour le héros, ni pour l’archéologue nazi. Et vos convives, qu’en pensent-ils ?