Portraits de Toulousaines : les militantes féministes
L’équipe de Rosalis poursuit son tour d’horizon des portraits de Toulousaines, plus ou moins restées célèbres dans l’Histoire, mais dont les destins (extra) ordinaires, méritent d’être sortis de l’oubli. Cet article met en avant les militantes féministes qui sont nées et/ou ont vécu à Toulouse.
La Bibliothèque de Toulouse et Rosalis se sont engagés depuis plusieurs mois sur plusieurs cycles d’ateliers de contribution à des articles Wikipédia sur des portraits de femmes toulousaines, en lien avec les associations Wikimedia France et les sans PagEs. Pour aller plus loin, une collection numérique sur des femmes toulousaines devrait être être mise en ligne sur Rosalis en 2025.
Arria Ly (1881, Le Cayran, Lot – 1934, Stockholm, Suède), le combat des suffragettes
Pionnière parmi les militantes pour le droit de vote des femmes, la suffragette Arria Ly naît dans le Lot en 1881 dans une famille bourgeoise anticléricale et athée. De son vrai nom Joséphine Gondon, elle prend le pseudonyme d’Arria Ly. Au tournant du 20e siècle, elle s’engage dans le combat féministe par le biais d’articles de presse et de conférences, données à Grenoble, en faveur du droit de vote des femmes, de l’égalité absolue entre homme et femme et pour le service militaire féminin.
Elle s’installe à Toulouse et s’engage intensément dans l’activisme féministe. Elle écrit dans de nombreux journaux locaux, dont La Dépêche et Le Midi socialiste. En 1907, elle fonde un groupe féministe. En 1909, elle lance une campagne locale afin de recueillir des signatures pour une pétition de suffragettes. Elle se présente ensuite, en 1910, aux élections législatives de la Haute-Garonne et obtient 511 voix. En 1913, elle lance le journal Combat féministe.
Elle s’illustre également en engageant des duels d’honneur contre des hommes qu’elle juge irrespectueux des femmes. Le plus connu concerne une polémique qui l’opposa au rédacteur en chef du Rappel de Toulouse, Prudent-Massat, suite à des propos calomnieux tenus contre elle après sa prise de position pour la virginité des femmes dans l’article « Vive Mademoiselle ». L’ayant défié en duel, elle obtient finalement des excuses publiques, devenant ainsi médiatiquement connue, y compris à l’étranger.
Elle s’installe en 1934 en Suède, car c’est selon elle le seul pays où l’égalité homme-femme est respectée. Elle se suicide à Stockholm le 19 décembre 1934, dix ans avant que le droit de vote des femmes ne soit voté en France.
Marie-Louise Dissard (1881, Cahors – 1957, Toulouse) , la chef du réseau de résistance Françoise
Marie-Louise Dissard est née en 1881 à Cahors. Couturière et enseignante de couture, elle ouvre son magasin à Toulouse au 40 rue de la Pomme « A la Poupée moderne » dans lequel elle vend ses créations. Lorsque la Seconde Guerre mondiale est déclenchée et que Toulouse est finalement occupée par les Allemands en novembre 1942, elle n’hésite pas à entrer dans la résistance et à utiliser la boîte à lettres de sa boutique pour diffuser des informations clandestines. Elle distribue sous le manteau des tracts clandestins, entre en contact avec le groupe Bertaux puis devient agent de liaison. Sous le pseudonyme « Françoise », elle héberge et aide à convoyer des aviateurs britanniques du réseau d’évasion Pat O’Leary. Le réseau est démantelé en février 1943, mais elle parvient à échapper à l’arrestation.
Elle crée alors le réseau Françoise en mars 1943 afin d’aider des résistants et soldats alliés à convoyer vers l’Espagne en passant par les Pyrénées. Chaque semaine, elle entre en liaison avec le vice-consul britannique à Genève en tant que chef de son réseau. Elle assure elle-même certains convoyages, malgré ses 62 ans. Obligée de se déplacer fréquemment, elle devient maître dans l’art de se déguiser et de détourner l’attention. Le réseau Françoise a compté plus de 200 membres et aurait aidé à faire traverser la frontière espagnole à plus de 700 personnes.
Indépendante, Marie-Louise Dissard ne s’est jamais mariée. Après la guerre, elle continue à s’intéresser à l’émancipation des femmes et contribue à la création d’un centre d’apprentissage féminin à Toulouse en 1956. Elle meurt en 1957, oubliée des livres d’histoire.
Federica Montseny (1905, Madrid -1994, Toulouse), engagée dans le droit à l’avortement
Toulousaine d’adoption, Federica Montseny naît à Madrid en 1905 dans une famille d’écrivains anarchistes. Baignée dans cet environnement militant, elle participe dès 1923 à l’écriture d’articles dans la presse anarchiste espagnole. Elle publie son premier roman intitulé La Victoire en 1925.
En 1930, elle épouse un anarchiste espagnol, Germinal Esgleas. Poussée par ses talents d’auteur et son militantisme, elle est nommée ministre de la Santé et de l’Assistance Sociale au sein du gouvernement républicain espagnol de Largo Caballero en 1936. Elle devient alors la première femme à être nommée ministre en Espagne. Son mandat dure de novembre 1936 à mai 1937, durant la Guerre civile espagnole, qui opposa les Républicains de gauche et d’extrême gauche aux nationalistes orientés à droite et à l’extrême droite menés par le général Franco. Elle est connue pour avoir demandé la rédaction du premier projet de loi européen en faveur de l’interruption volontaire de grossesse. La « Réforme eugénique de l’avortement » est décrétée, mais le texte ne sera jamais appliqué.
Après la victoire des nationalistes qui établissent une dictature menée par Franco dès avril 1939, Federica Montseny doit quitter l’Espagne. Elle s’établit alors à Toulouse, où elle poursuit son combat en faveur du droit des femmes, de l’éducation et des idées libertaires. Elle meurt à Toulouse en 1994.
Françoise d’Eaubonne (1920, Paris – 2005, Paris), militante éco-féministe
Femme de plusieurs luttes (contre le nazisme, la guerre d’Algérie ou encore la peine de mort), Françoise d’Eaubonne est avant tout une militante féministe. À 9 ans, durant sa jeunesse toulousaine, elle s’autoproclame déjà féministe. Cofondatrice du Mouvement de libération des femmes (MLF) à la fin des années 1960, elle milite pour le droit à l’avortement, et lance le Front homosexuel d’action révolutionnaire. A partir de 1988, elle devient secrétaire générale de SOS Sexisme.
Parallèlement, sa prise de conscience écologique se fait dans les années 1970, imprégnée du rapport Meadows, Limites à la croissance. Plutôt que de mener séparément les deux combats, elle opère dès 1974 la synthèse entre dénonciation de l’exploitation de la nature par l’Homme et l’exploitation de la femme par l’homme. Elle est d’ailleurs à l’origine du terme d’« écoféminisme ». Elle fonde l’association Écologie-Féminisme en 1978.
Elle a également écrit de nombreuses œuvres littéraires : des poèmes, des romans, des essais, des biographies, des traductions, des pamphlets, des préfaces, etc. Elle est enterrée au cimetière du Père-Lachaise en 2005.