L’Orbis sensalium pictus ou le premier livre pour enfants

Le saviez vous, l’ouvrage considéré comme le premier livre pour enfants a plus de 300 ans ?

L’Orbis sensalium pictus, « Le monde sensible par l’image », rédigé en 1658 par le frère morave Comenius (1592-1671) est l’un des premiers livres pédagogiques accessibles destinés aux enfants.

Cet ouvrage connaît un succès continu jusqu’au début du 19è siècle, comme en témoigne par exemple l’édition possédée par la Bibliothèque de Toulouse, version abrégée en allemand utilisée dans les écoles autrichiennes à la fin du 18è siècle.

Au 17è siècle, les livres s’adressant aux enfants sont peu nombreux ; abécédaires, catéchismes et civilités mis à leur disposition sont avant tout des espaces de transmission des valeurs religieuses et morales de la société. L’objectif éducatif y est donc essentiel. L’ouvrage pédagogique proposé par Comenius se révèle donc particulièrement atypique, puisqu’il est le premier à prendre en compte l’intérêt de l’enfant pour l’image dans les apprentissages. La devise du théologien est « l’idée, le mot, la chose » :  l’enfant pour comprendre le monde qui l’entoure doit se frotter aux objets réels du monde, ou à défaut à leur représentation picturale.

L’Orbis pictus est donc tout à la fois un livre d’images, un abécédaire ludique où à chaque lettre est associé un cri d’animal ou d’enfant, une méthode d’apprentissage de la langue maternelle de l’enfant et du latin, ainsi qu’une encyclopédie abrégée balayant les différents domaines de la connaissance.

Dans l’exemplaire de 1788 de la bibliothèque de Toulouse, il n’y a pas d’abécédaire, et uniquement 88 chapitres sur les 150 de l’édition originale. L’ordonnancement des chapitres de cette édition donne cependant un aperçu de l’organisation naturelle et sociale du monde tel que le concevait Comenius.

Ainsi, si le livre débute par le monde (« die Welt »), on y trouve naturellement ensuite des chapitres consacrés à la nature, aux animaux, mais aussi d’autres plus axés sur les structures sociales….

Et même curiosité pour nous, lecteurs contemporains peu habitués à tant de cruauté et d’inventivité dans les sanctions prononcées par les instances judiciaires, une gravure récapitulant tous les châtiments pouvant être infligés aux personnes enfreignant les règles de la société !

Comenius est considéré pour cet ouvrage mais aussi pour son oeuvre majeure, La Didactica magna (1638), comme le père de la pédagogie moderne. Il a été l’un des premiers à se préoccuper de l’éducation des femmes et des tout-petits, promouvant même l’école maternelle (Informatorium der Mutterschule, 1630) et posant que le jeune enfant doit manipuler son livre d’images avant même de savoir lire…

Sollicité par les grandes cours d’Europe pour l’excellence de sa pédagogie, Comenius a cependant souffert des agitations religieuses de son époque. La Contre-réforme le contraint en effet à l’exil une large partie de son existence, ce qui explique d’une certaine façon que son œuvre soit au final assez méconnue, notamment en France.


 

Pour finir, une vidéo sans paroles sur l’étonnant parcours de Johan Amos Comenius ou comment appliquer sa devise à la lettre… en apprenant par l’image !

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