« Le rouge est mis » dans les manuscrits de Rosalis

Si aujourd’hui le bleu est la couleur préférée des français, il n’en a pas toujours été ainsi. Durant des siècles, « LA » couleur par excellence, la couleur favorite, notamment au Moyen Âge, c’est le rouge.

Dans les comptes royaux de 1387 (publiés par L. Douët D’arcq pour la Société de l’histoire de France ), alors que le bleu est devenue la couleur royale, le nombre de pièces de vêtement par couleur recensé est évocateur : blanc : 35 ; noir : 2 ; gris : 2 ; rose : 29 ; vert : 96, bleu et violet : 66 ; rouges : 197. Le rouge arrive en tête et de loin dans la garde robe royale. 

Outre la beauté et l’éclat de cette teinte, il y a une raison pratique à cela : c’est la teinte que l’on sait le mieux fixer au Moyen Âge. Les pigments utilisés vont de la racine de garance à la cochenille, en passant par le minium ou le vermillon. Le vocabulaire pour désigner les multiples déclinaisons du rouge est d’ailleurs évocateur : graine, vermeil, écarlate, cramoisi, garance, sanguine, etc.

Voyons cela de plus près dans les manuscrits de Rosalis…

Le mot « rouge » vient du latin rubeus qui signifie robuste. Ce qui a donné le mot « rubis » pour la pierre rouge ou encore « rubricateur » pour le copiste qui se chargeait des passages à l’encre rouge, que l’on appelait d’ailleurs les « rubriques », dans les manuscrits.
En voici un exemple dans le «De sanctis apostolis et martyribus utriusque sexus » de saint Ambroise :

Avec le bois de Brésil, ou brasilium, dont les écorces sont ramenées d’Asie, on obtient de subtils et lumineux roses. On en trouve de jolis exemples dans le Missel des Augustins :

Le rouge va être utilisé pour signifier l’amour divin : les séraphins, première couronne d’anges dans la hiérarchie céleste, suivis des séraphins et des trônes, sont souvent représentés par un rouge incandescent, un rouge de braise, pour montrer qu’ils sont comme « irradiés » par cet amour. On le voit ici, dans cette enluminure tirée du livre d’heures d’Yvon de Cugnac daté de 1483 :

Le rouge, c’est aussi la couleur de saint Georges dans les armoiries de l’Angleterre : de gueules aux trois léopards d’or. Le futur Edouard II d’Angleterre porte une cotte rouge armoriée dans cette enluminure tirée des Grandes Chroniques, et l’on peut voir les armes du roi d’Angleterre dans le fameux Armorial Catalan conservé à Toulouse :

Le rouge, c’est aussi la colère, l’orgueil, la luxure… et les flammes de l’Enfer !
Dans la belle Apocalypse de Toulouse, on en rencontre de nombreux exemples :

L’historien Michel Pastoureau écrit que chaque couleur au Moyen Âge doit être pris en sa bonne et sa mauvaise part.

Et si nous écoutions sa subtile leçon ainsi que celle que nous enseignent les manuscrits ? Si nous nous gardions d’être orgueilleux ou rouge de colère… Les manuscrits nous invitent à préférer les bons côtés de cette couleur : le rose délicat ou le rouge de la loyauté et de l’amour !

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